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Hommage à nos enfants disparus

20 février : Hommage à nos enfants disparus

Texte lu lors de la cérémonie religieuse du samedi 20 février 2010 en l’église de Guéret. Extrait de Séisme(s), écrit par un de nos parents endeuillés Emmanuelle Sarrouy-Noguès

Séisme. Ébranlement. Blessure profonde qui remonte des entrailles de la terre, de la mère Gaïa. Séisme. La terre en colère ne maîtrise plus sa force, tremble, gigote, secoue, se fissure avec une lenteur fulgurante. L’écorce se brise, se fendille, se soulève. Une minute de vibrations. C’est long une minute de spasmes intenses. C’est tellement long qu’on aimerait que ça n’ait jamais eu lieu. C’est tellement long que ça en devient meurtrier, et nous sommes tellement impuissants. La terre ne nous appartient pas. Elle ne nous a jamais appartenu. C’est nous qui lui appartenons. À jamais. Séisme. Des centaines et des centaines de morts, des blessés, des mutilés et quelques miraculés. Corps inertes. Âmes errantes. Des enfants, beaucoup d’enfants. Nos enfants. Que sont devenus nos enfants ? Pourquoi ? Pourquoi une telle tragédie ? Et pourtant… Pourquoi. La question existe, mais pas une bribe de réponse à l’horizon. À part la réponse scientifique. Une faille. Depuis longtemps. Prévisible. Des glissements de terrains. Mais ça ne nous suffit pas. Ça ne nous va pas. Il faudra pourtant s’en contenter, ou sans doute trouver des soi-disant réponses qui nous aideront à continuer. Chacun sa petite histoire un peu dérisoire pour poursuivre la route. Vaille que vaille, tambour battant, la fleur au fusil, contre les grondements de la terre. C’est court une minute à l’échelle du temps. Une goutte d’eau dans l’océan, un coup de vent dans la tempête, une étincelle dans l’incendie, un grain de sable dans… Au réveil, tout est déjà passé, et l’on ne peut que constater le massacre, l’horreur qui s’abat sur le peuple ayitien. Le monde s’écroule. Port-au-Prince se réveille plus en ruines que jamais. Il va falloir se relever. Il va falloir du temps. Il va falloir trouver la force. Mais les ayitiens ont l’habitude.
Grandeur des démunis. Grandeur des oubliés.
Leur vie est faite de ces tragédies. Si peu de répit. Et toujours cette énergie de vie qui renaît des cendres. C’est à elle qu’il faut s’accrocher de toutes ses forces. Pour nous parents adoptants, qui sommes si loin par la distance et si proche par le coeur, ce peuple est un modèle de bravoure. Un exemple auquel il faut s’accrocher nous aussi. Ébranlés par les secousses jusqu’au plus profond de notre être, nous voilà soudain à terre, malgré nous, malgré tout. Que faire ? S’en sortir. S’extirper des décombres. S’ébrouer des débris. Sans trop savoir comment s’y prendre. Avec toute la lourdeur du corps. Avec toute cette joyeuse et légère année 2009 de vie commune qui vole en éclats autour de nous, et qui à présent pèse de tout son poids de bonheur brisé sur nos épaules meurtries, sur nos échines endolories. Je deviens maman, tu deviens papa, le plus beau métier du monde. Il paraît. On cherche la beauté parmi les décombres. Pleurer toutes les larmes de soncorps. Pleurer nos timouns chéris. Leur rendre un dernier hommage. Les aimer pour toujours.Pleurer toutes les âmes de son coeur. Laisser couler toute l’eau de tous les ruisseaux, de toutes les rivières, de tous les fleuves, de toutes les mers, de tous les océans. Nettoyer la surface de la terre. Caresser la planète. Lui demander pardon ? Ou lui demander des explications… Trouver un nouveau souffle.
Peut-être, un jour…

Yves Nelson et Naschka, et tous leurs petits camarades, ne peuvent pas disparaître comme ça, du jour au lendemain. Trop facile. C’est obscène. Inadmissible. Révoltant. Nousnous devons de raconter la grandeur de ces petits êtres. La richesse de leur courte vie. Ils sont nos enfants. Ils sont le peuple haïtien, rayonnant aujourd’hui à l’échelle planétaire. Petits pirates, petits anges, petites étoiles, rayons de soleil… Veillez sur nous. Il ne faut pas les oublier. Surtout pas. Jamais. Gardes fous de nos vies futures.

Naschka, Yves Nelson, depuis le 12 janvier 2010 le monde n’en finit pas de trembler, agité d’infinis soubresauts, et nous tremblons avec lui. Voilà, nous voulions vous raconter tout cela, vous dévoiler tout ce que nous avions sur le coeur. Nous voulions vous dire tout notre amour, à vous nos aînés, et à vos frères et soeurs qui seront toujours fiers de vous, comme vous pourrez toujours être fiers d’eux.

Nous sommes effondrés mais nous allons nous relever. Tout comme ce magnifique peuple ayitien. Plus grands et plus forts que jamais.

Emmanuelle Sarrouy-Noguès, février 2010

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